Alcoolisation fœtale : danger !

Anomalies du fonctionnement cognitif, troubles du développement intellectuel, des apprentissages et/ou du comportement, retards de croissance : 3207 enfants sont nés en France entre 2006 et 2013  porteurs des séquelles de la consommation d’alcool de leurs mères pendant qu’elle était enceinte. Des troubles, plus ou moins associés selon les cas, qui « ne se traduisent pas en mortalité mais induisent tous des morbidités importantes et une vulnérabilité à vie » rappelle le Dr David Germanaud, neuropédiatre à l’hôpital Robert-Debré. 452 de ces enfants sont venus au monde avec un syndrome d’alcoolisation foetale (SAF), forme la plus grave et première cause de handicap mental non génétique, qui associe toutes les complications liés à la foetotoxicité de l’alcool (atteintes neurologiques malformations).

4 femmes sur 10 non informées pendant leur grossesse

Ces chiffres, issus de la première étude épidémiologique menée sur le sujet ont été dévoilés ce matin par Santé Publique France. « 3207 enfants en sept ans, cela représente une naissance par jour » appuie François Bourdillon, directeur général de l’agence sanitaire. « Cela fait trois ans que nous menons campagne à l’occasion de la journée mondiale du syndrome d’alcoolisation foetale. Notre souhait cette année est que l’épidémiologie puisse induire la prévention. » Autrement dit frapper les consciences, du grand public comme des professionnels de santé sur un sujet encore bien opaque pour ne pas dire tabou. Les données du baromètre santé 2017 montrent certes des progrès : 44 % des Français pensent en 2017 que l’alcool à une influence sur la grossesse, contre 25% en 2015). Mais 4 femmes-enceintes ou mère d’un enfant de moins de 5 ans sur dix déclarent ne pas avoir été informées des risques par un médecin ou une sage femme et une sur dix avoir bu enceinte. Une proportion qui pourrait selon Santé Publique France avoir eu un impact sur 90 000 naissances ! L’étude menée auprès d’un échantillon de 1 414 médecins généralistes en 2015 révélait pourtant que 8 sur 10 leur recommandent d’arrêter tout petit verre, fut-il festif. Mais d’autres études menées auprès de professionnels de santé montrent que le sujet reste difficile à aborder, par peur de heurter, faute de temps et d’arguments.

Réunion, Haute-Normandie, Nord-Pas de Calais en première ligne

Pour obtenir ces premiers chiffres qui puissent leur servir à exposer clairement le risque à leurs patientes, Santé Publique France a extrait les données d’hospitalisations - aussi bien dans le public que le privé - de France métropolitaine et départements et régions d’Outre-Mer (hors Mayotte) des bases nationales du PMSI-MCO pour les années 2006 à 2013. Pour chaque année ont été identifiés sur les résumés de sortie anonymes (RSA) de séjours survenus entre le 1er et le 28e jour de vie, les codes renvoyant à un diagnostic de « syndrome d’alcoolisme foetal avec dysmorphie » ou de « foetus et nouveau né affecté par l’alcoolisme de la mère. » Le résultat révèle de fortes variations régionales. La proportion d’enfants diagnostiqués pour des troubles imputables à l’alcoolisation foetale (SAF et non-SAF) est plus importante dans les départements de la Réunion (1,22 enfants pour mille naissances), en Haute-Normandie (1,02/1000) ou dans le Nord-Pas de Calais (0,90/1000). Les données montrent aussi que la fréquence des diagnostics, à l’échelle nationale, reste stable dans le temps. Mais l’ensemble, prévient l’agence sanitaire ne donne certainement pas encore la réelle mesure du problème. « Le codage diagnostic dans les bases hospitalières n’est pas parfait », souligne Nolwenn Regnault, épidémiologiste et coordinatrice du programme de surveillance à la santé périnatale à Santé Publique France, les diagnostics parfois complexes. Et puis l’étude ne portait que sur ce qui était déjà perceptible dans les 28 jours suivant la naissance. Or un certain nombre de troubles neuro-développementaux (troubles secondaires de l’humeur, acquisitions, apprentissages) « se manifestent plus tard, entre le début de la petite enfance et le milieu de l’école primaire » souligne le Dr Germanaud. Pour le neuropédiatre, tout plaide en faveur du principe de précaution maximum prôné par les autorités sanitaires, invitant à l’abstenir de toute boisson alcoolisée, quelle qu’elle soit, pendant la grossesse. « On ne connait pas de dose à partir de laquelle on pourrait affirmer que boire est sans danger, rappelle le praticien. C’est valable pour toute la période de grossesse, depuis l’embryogénèse et durant toute la période de maturation cérébrale, qui se poursuit en post natal-donc également pendant l’allaitement. »

Un nouvel outil d’information dédié aux professionnels

Le mieux : en informer les femmes, dès la période préconceptionnelle, au moment où elles arrêtent leur contraception. « Le message de santé publique ne doit pas simplement être relayé, mais adapté dans le cadre de la consultation, en discutant avec la femme de ses pratiques, des erreurs de choix qu’elle pourrait faire. C’est aussi le moment, sans doute le plus dur, où mesurer ce qu’elle va faire de ces informations. En clair, identifier celles qui auraient ont déjà un problème avec l’alcool, parce que ce sont aussi leur bébés qui sont le plus à risque. »

Pour les aider dans leur pratique, le site d’aide à distance de Santé Publique France (alcoolinfoservice.fr) s’enrichit à partir d’aujourd’hui d’un espace dédié aux professionnels, regroupant à la fois les contenus scientifiques disponibles (données épidémiologiques et cliniques) et les repères et outils utiles pour évoquer le sujet avec leurs patientes et/ou les orienter.