Aluminium dans les vaccins : rien pour l’instant ne remet en cause la balance bénéfice risque

« Vaccins. Le rapport qui dérange » titre en « une » « le Parisien » de ce 22 septembre. « Exclusif. D'après un rapport sérieux et inédit, bouclé en mars, mais jamais rendu public, des scientifiques pointent des risques à cause de l'aluminium dans les vaccins », lit-on. Une titraille choc qui ne manquera pas d'attiser la polémique, à une semaine de la présentation du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Et donc des mesures ouvrant la voie à l'extension de l'obligation vaccinale de 3 aux 11 vaccins pédiatriques.

De quoi s'agit-il ? L'article du « Parisien » (plus mesuré qu'il n'y paraît) fait état d'une séance du conseil scientifique de l'ANSM datant du 8 mars 2017, au cours de laquelle les experts se penchent sur le projet « BNAA-Vacc » coordonné par le Pr Romain Gherardi, chef du service de pathologies neuromusculaire de l'hôpital Henri-Mondor de Créteil, et qui explore la biopersistance et la neurotoxicité des adjuvants vaccinaux à base d'oxyhydroxyde d'aluminium. Un projet financé par l'ANSM. L'avis du conseil scientifique n'a pas été rendu public car « ces avis sont consultatifs et à destination de la direction générale de l'ANSM », fait savoir l'ANSM.

Trois études expérimentales publiées

Le projet BNAA-Vacc a donné lieu à trois publications, lit-on dans le compte rendu de la séance, que « le Quotidien » s'est procuré. La première étude, Eidi et al. 2015, a été publiée dans « BMC Médecine » : elle montre, grâce à un complexe entre adjuvant aluminique et nanodiamants fluorescents, une translocation physique des adjuvants entre le muscle injecté et d'autres tissus, dont le cerveau, 21 jours après injection chez des souris.

La deuxième publication, Crépeaux et al. 2015, publiée dans « JIB », est une étude longitudinale de long terme, chez des souris, qui observe aussi les translocations des particules injectées dans le muscle, vers les tissus, la rate, les ganglions lymphatiques, inguinaux, le cerveau, mais laisse suggérer un effet dose.

La troisième étude, Crépeaux et al, parue dans « Toxicology » en 2017, teste cet effet dose en administrant des doses différentes à trois groupes de souris. « Au terme des 180 jours du processus expérimental, Guillemette Crépeaux (chercheuse à l'INSERM et co-auteur de l'étude) a constaté une modification du niveau d'activité comme d'anxiété chez l'animal, phénomène circonscrit aux animaux ayant perçu la dose de 200 μg d'aluminium par kg » (soit la plus faible), lit-on dans le compte rendu. Selon Guillemette Crépeaux, il y aurait donc bien un effet dose, lié à la taille des particules (qui diffère selon les doses). Cet effet dose devrait faire l'objet de recherche (selon la chercheuse, les particules plus petites favoriseraient l'internalisation de la translocation).

Une piste génétique intéressante

La dernière partie du compte rendu résume l'intervention de la chercheuse Baharia Mograbi qui s'interroge sur le fait que 1 à 3 % de la population vaccinée développent des pathologies post-vaccinations. Son hypothèse : que cette population présente des caractéristiques génétiques particulières, notamment un défaut du gène autophagique (polymorphisme), qui, combiné au vaccin, provoque le développement de la pathologie de la myofasciite à macrophages. Selon le compte rendu, Baharia Mograbi espère approfondir le rôle de l'autophagie dans la toxicité des particules aluminiques, et étudier l'effet des polymorphismes sur l'expression des gènes autophagiques, ainsi que l'activité du processus autophagiques.

 

S'ensuit la discussion des experts, avec leurs réserves sur les protocoles (choix des souris dans les études expérimentales, composition de la population témoin de l'étude génétique), mais aussi l'expression de leur curiosité à l'égard de la piste génétique. « En synthèse, le projet d'étude propose des pistes de réflexion intéressantes, mais qui méritent d'être davantage étayées et détaillées », lit-on. La présidente du conseil scientifique conclut en invitant ses membres à rédiger un avis « reconnaissant le travail de recherche expérimental et génétique engagé, tout en insistant sur la nécessité d'approfondir certains volets du projet d'étude ».

Quel financement pour la recherche ?

Malgré cet encouragement, depuis mars, « rien », indique Guillemette Crépeaux, dans « le Parisien ». « Rien du tout. Il n'y a eu aucun signal des autorités laissant penser que le sujet les intéressait. En finançant l'essai, l'ANSM s'est donné bonne conscience et puis basta. Pour continuer nous avons besoin de 550 000 euros », confirme le Pr Gherardi dans les colonnes du journal.

Le 8 mars, Dominique Martin, directeur général de l'ANSM, indiquait que l'agence n'était pas en mesure de financer l'ensemble du projet et appelait la puissance publique à prendre ses responsabilités en la matière. « Nous avions estimé légitime que l'ANSM finance le Pr Gherardi pour qu'il puisse démarrer ses recherches », commente-t-il aujourd'hui auprès de l'AFP. « Il y a des pistes qui doivent être poursuivies mais l'ANSM n'est pas l'ANR (Agence nationale de la recherche, ndlr) et n'a pas les capacités financières pour assurer la poursuite de cette recherche. C'est à lui de trouver de nouveaux financements, publics et privés », a-t-il poursuivi.

Pas de remise en cause des vaccins, rappellent les experts

En tout état de cause, « cela ne remet pas en cause la sécurité des vaccins », a insisté Dominique Martin. « Il s'agit d'une recherche très préliminaire fondamentale, essentiellement sur la souris, qui ne change rien à l'analyse bénéfice/risque des vaccins qui contiennent de l'aluminium », précise-t-il.

Contactée par « le Quotidien », le Pr Odile Launay, infectiologue, professeur à la faculté de médecine Paris Descartes, appelle à la prudence. « Ce ne sont pour l'instant que des hypothèses. L'extrapolation des résultats trouvés chez la souris à l'homme est tout sauf évidente. Aujourd'hui, on ne connaît pas le lien entre des lésions qu'on peut observer sur le plan anatomopathologique après injection d'un vaccin dans le muscle, et la symptomatologie clinique. On ne sait pas ce qui se passe dans le muscle de personnes vaccinées qui ne se plaignent pas de symptôme clinique », explique-t-elle, une biopsie étant un acte invasif.

Les données actuelles ne permettent pas de remettre en cause la balance bénéfique-risque des vaccins, insiste-t-elle. « Cela fait 80 ans qu'on utilise l'aluminium en adjuvant, chez des milliards de personnes dans le monde. C'est difficile d'avoir plus de recul sur un médicament », note le Pr Launay.