Extension de l’obligation vaccinale : l’argumentaire scientifique de la ministre de la Santé

Lors de sa conférence de presse d'annonce de l'extension de l'obligation vaccinale, Agnès Buzyn a défendu mercredi, chiffres à l'appui, les raisons qui poussent les pouvoirs publics à prendre cette décision sans précédent en France. Le premier ministre l'avait annoncé hier lors de son discours de politique générale à l'Assemblée. L'extension de l'obligation vaccinale à huit vaccins supplémentaires chez le petit enfant devrait faire l'objet d'un texte de loi examiné au parlement à la "fin de l'année" 2017, pour une entrée en vigueur début 2018, a annoncé mercredi Agnès Buzyn. Dans un entretien cette semaine au Généraliste, la ministre de la Santé justifie cet élargissement temporaire de l'obligation par des raisons d'urgence et d'efficacité.

Les travaux de préparation du texte ont débuté, "de façon à pouvoir présenter une mesure législative dans le courant de l'année, probablement à la fin de l'année", a-t-elle déclaré lors d'une conférence de presse mercredi soir au ministère. Ce texte devrait être intégré dans le PLFSS 2018. L'obligation des onze vaccins (DTP + 8 autres*) entrerait ensuite en vigueur début 2018, ce qui "laissera le temps aux laboratoires fabricants d'assurer leur disponibilité", a ajouté Agnès Buzyn.

"Tous les vaccins obligatoires seront pris en charge à 100% : 65% de leur prix est remboursé par l'Assurance maladie, 35% par les assurances complémentaires qui offrent un 'contrat responsable", a précisé le ministère. Un surcoût pour l'assurance maladie qui est estimé entre 10 et 20 millions d'euros.

Un peu plus tard sur RTL, la ministre a précisé qu'elle réfléchissait aux sanctions. Mais, a-t-elle ajouté, "ce n'est pas, à mon avis, la meilleure façon d'avancer", ajoutant que "l'objectif n'est pas d'avoir des amendes mais de faire de la pédagogie". Elle a également indiqué que "nous travaillons sur une clause d'exemption, c'est-à-dire si vraiment des familles s'opposent absolument, nous essaierons de leur permettre d'éviter la vaccination".

Les vaccins concernés

Dans ce nouveau contexte, le DTP reste bien entendu obligatoire. Une enquête d'opinion réalisée à l'occasion de la concertation vaccinale a révélé que la levée de cette obligation ferait chuter le taux de de couverture vaccinale de 13% vis à vis de ces vaccins. Deviendraient donc obligatoires chez le petit enfant de moins de deux ans l'haemophilus influenzae, la coqueluche , l'hépatite B, la rougeole, les oreillons, la rubéole, le méningocoque C et le pneumocoque.

Des mesures que la ministre argumente chiffres à l'appui : " durant la seconde moitié du XXe siècle, avant la généralisation de la vaccination, on déplorait 3000 décès par diphtérie et 200 décès d'enfants par poliomyélite en France. Le tétanos entraînait environ 1000 décès par an, on en compte aujourd'hui moins de 5 ans par an ".

Concernant l'haemophilus influenzae de type B, les infections invasives ont baissé de plus de 95% depuis l'introduction de son vaccin alors qu'on recensait 600 cas chaque année. Idem pour le pneumocoque : chez l'enfant, les infections invasives ont été réduites de moitié. Et l'immunité de groupe a permis également une diminution de 40% des infections sévères chez l'adulte et les personnes âgées.

Le taux de couverture vaccinale contre le méningocoque C reste insuffisant. Entre 2011 et 2015, 255 cas ont été observés chez les sujets non vaccinés âgés de 1 à 24 ans, dont 25 sont décédés.

L'hépatite B n'affiche pas de meilleurs scores et le taux de couverture vaccinale peine à atteindre 40% chez l'adolescent et 60% des adultes. Si bien que 2000 nouveaux cas d'infections au VHB ont été déclarés entre 2006 et 2013 chez les non vaccinés.

La vaccination contre la rougeole ne concerne que 78% des anfants de moins de 2 ans. "Tant que cette couverture vaccinale n'atteindra pas 95% et elle n'est que recommandée par l'OMS, le risque de vagues épidémiques persistera", affirme la ministre. Sur les 24 000 cas de rougeole déclarés en France entre 2008 et 2016, 1500 ont présenté une pneumopathie grave, 34 une complication neurologiques et 10 sont décédés.

Des vaccins à disposition chez le généraliste ?

"La vaccination n'est pas un acte dogmatique, elle se fonde sur des faits scientifiques", affirme Agnès Buzyn. Aussi, un rendez-vous annuel sera instauré pour faire un état des lieux sur la progression de la couverture vaccinale, l'épidémiologie des maladies concernées, la pharmavigilance confiée à l'Ansm, ...

La ministre n'exclut pas de faire évoluer cette liste, éventuellement aux adultes si nécessaire. Toutes les initiatives visant à augmenter la couverture vaccinale seront étudiées et éventuellement valorisées. La mise à disposition de vaccins au cabinet pour les généralistes volontaires est une des pistes envisagées, à condition de s'assurer du respect de la chaîne du froid. Sur ce dernier point, réponse dans six mois.

* Coqueluche, rougeole, oreillons, rubéole, hépatite B, bactérie Haemophilus influenzae, pneumocoque, méningocoque C.