URGENCES : services saturés, patients brancardés, personnels grévistes :
Médecins, soignants, directeurs : les témoignages inquiets, voire alarmistes, sur la situation des services d'urgences, en proie à la saturation, affluent ces derniers jours.
Dans le Bas-Rhin, en Corrèze, en Charente-Maritime ou dans le Cher… Partout, les services d'urgences ont activé la semaine dernière le plan « hôpital en tension ». Souvent déclenché en période d'épidémie de grippe, ce dispositif permet de libérer des lits et de déprogrammer des opérations chirurgicales sans caractère d'urgence. Le ministère de la Santé recensait vendredi 16 mars 97 services d'urgences publics ou privés en tension sur les 650 existants.
En première ligne, les urgentistes font état de leurs difficultés à prendre en charge les patients toujours plus nombreux. Depuis le début d’année, plus de 15 000 patients ont passé la nuit sur un brancard des urgences, a calculé SAMU-Urgences de France grâce à son initiative « No Bed Challenge ».
Quelque 1 200 professionnels de santé, dont nombre d'urgentistes exaspérés par l'état de l'hôpital, ont annoncé leur soutien au mouvement de grève des personnels de la fonction publique, jeudi 22 mars. Ce mardi, entre 11 heures et 15 heures, ils seront sous les fenêtres d'Agnès Buzyn pour réclamer un moratoire sur les fermetures de lits, de services et d'hôpitaux.
Des murs entre la ville et l'hôpital
L'urgentiste le plus célèbre de France, le Dr Patrick Pelloux, vient de le rappeler au média « Brut » : la barre des 21 millions de passages annuels aux urgences vient d'être franchie. À l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), explique-t-il, « salles d'attente bondées », manque de lits d'aval et « retards de prise en charge ou erreurs d'orientation » sont monnaie courante.
Le directeur général du CHU francilien vient également de prendre la parole sur ce même sujet. Invité de France info ce lundi matin, Martin Hirsch a replacé la saturation des urgences de France dans un contexte plus global. « On est un pays où il y a une coupure entre le système de ville et le système hospitalier, a rappelé le patron de l'AP-HP. Dans la plupart des pays, on trouve des centres de soins non programmés, des petites urgences qui sont souvent sous la responsabilité des hôpitaux, mais qui ne sont pas au cœur des hôpitaux et qui permettent de mettre moins de pression sur les urgences. Mais, dans notre pays, où on a mis des murs entre la médecine de ville et l'hôpital, il y a une pression extrêmement forte sur les services hospitaliers. »
Martin Hirsch a évoqué la nécessité d'une « réorganisation profonde » hospitalière, dont il a par ailleurs détaillé les grandes lignes ce week-end dans une interview au « Monde ».