Infirmières et généralistes : quid des protocoles Asalée

Après 14 ans d'existence, le dispositif Asalée (action de santé libérale en équipe), prend du galon, malgré des débuts hésitants. L'Institut de recherche et de documentation en santé (IRDES) a recueilli des témoignages de généralistes et d'infirmières engagés dans ce dispositif créé en 2004 pour améliorer la prise en charge des maladies chroniques en médecine de ville à travers un protocole de coopération. Il permet des délégations d'actes de dépistage et de suivi des médecins généralistes vers des infirmières formées à l'éducation thérapeutique (ETP), lors de consultations réalisées au cabinet.

Attentes diverses

Dès leur entrée dans Asalée, infirmières et médecins ont des approches différentes. Les premières ont généralement des « attentes fortes » en matière d'autonomie accrue, de travail d’équipe avec les médecins et d'un nouveau relationnel avec les patients. Elles y voient aussi l’opportunité d’expérimenter des pratiques avancées. Les généralistes, de leur côté, sont davantage en attente d'une meilleure qualité de prise en charge et d'un plus grand confort de travail, précise l'IRDES.

Certaines infirmières ont eu du mal à obtenir la confiance du généraliste dans le cadre du binôme. « Au début, je le sentais [le médecin] beaucoup plus en retrait et dans l’observation. C’est venu petit à petit, au fur et à mesure des réussites : un patient qui a perdu 10 kg par exemple… La première année, il faut réussir à prouver l’efficacité d’Asalée », témoigne une infirmière. L'infirmière doit adapter son rôle. « Au début, c’était déroutant. Six mois à se dire, c’est quoi ce travail ? Ce sont les patients qui doivent conduire leur pathologie, leur diabète, leur surpoids. Nous, on n’est là que pour les aider à cheminer », indique une autre.

Un médecin raconte le passage délicat mais enrichissant de la verticalité à la transversalité. « Ce n’est pas simple, on a été élevés à être les chefs, les décideurs et donc, il faut nous accompagner dans le changement », témoigne-t-il. Un autre généraliste raconte la construction du duo. « C'est monté en puissance à notre rythme, à mon rythme. Ça part vraiment de nous, c’est vraiment très sécurisant, très rassurant. Elle vient deux jours par semaine et le matin, je me coordonne avec elle pour étudier les patients à voir, des papiers en suspens… », explique le médecin.

Binôme et réunions

Les échanges au sein du binôme permettent la construction d'un climat de confiance, constate l'IRDES, via des « alertes », des documents numériques partagés, des rencontres programmées ou non, dépendantes de la disponibilité des médecins.

Les interactions vont parfois au-delà d'un seul médecin pour concerner une « équipe élargie », dans le cas d'un cabinet de groupe. « Ma plus grande réussite, c’est d’avoir pu favoriser le travail des médecins du cabinet entre eux. Grâce à moi, ils ont travaillé sur LA pratique », se félicite une infirmière.

Malgré ces avancées, des difficultés perdurent pour les paramédicaux : responsabilités nouvelles, grande adaptabilité exposant au risque d’épuisement… Les binômes médecin/infirmière restent hétérogènes dans leurs pratiques, en fonction de l'implication des médecins. « J’ai travaillé avec plusieurs médecins avec qui j’ai arrêté parce que je trouvais qu’il n’y avait pas suffisamment d’activité, ce n’était pas intéressant pour moi, ni pour le patient, ni pour le médecin », déplore une infirmière.

Quoi qu’il en soit, le dispositif semble être apprécié par les patients, qui jugent l’infirmière compétente, à l’écoute et facile d’accès. « On nous explique bien, ça prend du temps mais ça aiguille beaucoup », indique un patient. Ils mettent en avant le côté pratique : organisation simple, dans un même lieu, gain de temps. Le suivi éducatif est perçu comme un soutien au long cours pour modifier les habitudes, et mieux vivre.

La majorité des infirmières disent s’épanouir professionnellement. Côté médecins, certains font état de confort d’exercice accru, de sécurité, voire d'un moindre risque de burn-out, et d'un changement de leurs pratiques cliniques.