Revoir à la baisse les recommandations sur la consommation d’alcool

Les recommandations sur la consommation d'alcool dans de nombreux pays devraient être revues à la baisse, alerte « The Lancet », sur la base d'une méta-analyse. Commise par le Dr Angela Wood (service de santé publique et soins primaires à l'Université de Cambridge, Royaume-Uni) et coll., l'analyse porte sur près de 600 000 (599 912) buveurs réguliers, inclus dans 83 études prospectives dans 19 pays à haut revenu. Les épidémiologistes et spécialistes de santé publique ont établi que le niveau de consommation sans danger exagéré était de 100 grammes d’alcool pur par semaine, soit 10 verres « standard » (25 cl de bière, 10 cl de vin, ou 3 cl d’alcool fort), or plusieurs pays européens ou Outre-Atlantique fixent des seuils bien plus élevés.

Espérance de vie amputée de 6 mois à 5 ans

Les participants ont été suivis pendant au moins un an (soit 5,4 millions de personnes années de suivi). La moitié fait état d'une consommation d'alcool supérieure à 100 g par semaine, 8,4 % ingère plus de 350 g. Quelque 4 0 317 décès toutes causes confondues ont été déplorés, et 39 018 problèmes cardiovasculaires.

Les chercheurs montrent une association claire entre la consommation d'alcool et la mortalité prématurée. À partir de 100 g d'alcool par semaine, le risque de mourir d'AVC, de maladie coronaire (à l'exception de l'infarctus du myocarde, pour lequel le débat continue), d'arrêt cardiaque, de cardiopathie hypertensive, et d'anévrisme aortique augmente avec la consommation. Ce qui peut s'expliquer par les effets de l'alcool sur l'élévation de la pression sanguine et sur des facteurs liés aux taux élevés de lipoprotéines de haute densité cholestérol (HDL-C).

« La consommation d'alcool est associée avec une légère baisse du risque d'infarctus du myocarde non mortel mais ce résultat doit être contrebalancé par l'augmentation des risques de développer des maladies cardiovasculaires, sérieuses et potentiellement mortelles », commente le Dr Wood.

Selon Wood et coll., à l'âge de 40 ans, on diminue son espérance de vie de six mois en consommant de 100 à 200 g d’alcool par semaine, d'un à deux ans avec 200 à 350 g, et de quatre à cinq ans avec plus de 350 g. À l'échelle de la population, il faudrait descendre sous le seuil de 100 g d'alcool par semaine pour voir l'espérance de vie augmenter jusqu'à 2 ans.

« Si vous buvez déjà de l'alcool, en boire moins peut vous aider à vivre plus longtemps et à diminuer vos risques cardiovasculaires », résume le Dr Wood.

Italie, Portugal, Espagne, États-Unis mauvais élèves, la France dans les clous

Les auteurs estiment que l'Italie, le Portugal et l'Espagne devraient réduire de moitié les seuils fixés dans leurs recommandations et appellent les États-Unis (où la limite pour les hommes est fixée à 196 g/semaine !), le Canada ou la Suède à faire des efforts. On peut aussi citer la Belgique (21 verres par semaine pour les hommes, 14 pour les femmes) ou la Suisse (10 à 15 verres par semaine pour les hommes). Les recommandations britanniques sont en revanche en phase avec l'étude.

Quant à la France, Santé publique France a diffusé en mai 2017 une recommandation d'experts indépendants, préconisant 10 verres par semaine maximum. L'étude du « Lancet » intervient quelques semaines après une polémique suscitée par les visions divergentes d'Emmanuel Macron et Agnès Buzyn sur l'alcool.

Des signes d'apaisement pointent : les professions viticoles ont été reçues ce 13 avril par la ministre de la Santé et son homologue à l'Agriculture, Stéphane Travert, pour travailler sur des mesures de prévention, dans le cadre du plan interministériel « Priorité Prévention », tandis que la Fédération française d'addictologie (FFA) a été reçue le 10 avril par Stéphane Travert. « Cet entretien a été courtois et a permis un échange sans a priori sur les demandes des acteurs de santé, et en priorité une concertation reposant le respect des compétences des acteurs de santé d’un côté, de la filière économique de l’autre », fait savoir la FFA.